je reposte ce petit texte ancien, que j'aimerais bien essayer de mettre en poème, est-ce possible...?
à l'époque, des lecteurs m'avaient suggéré que cet envol pouvait être l'envol du poète, osant écrire, se lançant dans le vide de la page blanche....
j'y vois aussi l'expérience musicale...
Du haut d'une falaise, face à la mer, je ressens toujours la même nostalgie. La sensation de ne pas pouvoir m'abandonner pleinement à la beauté de la nature. Le désir fou, surtout la nuit quand tout semble possible, de me laisser happer par cette immensité et de voler jusqu'aux confins de l'horizon.
Alors parfois, quand le besoin se fait trop pressant, je rejoins cet endroit secret que je suis seule à connaître, et me lance dans le vide.
Je plane. C'est facile et doux comme de faire la planche. Le vent me porte, exactement comme le sel dans la mer. Il m'envahit toute entière, dessus et sous la peau. J'ai l'impression de ne faire qu'un avec le vent, de devenir seulement souffle, simple frémissement. La falaise n'est pas loin, je peux m'y accrocher si je veux, toucher et sentir encore les herbes s'agiter doucement. Je me sens en parfaite sécurité.
C'est toujours le même monde, mais celui-ci est silencieux : une brise assourdissante de silence qui siffle à mes oreilles. Et qui soudain m'emporte !
Tombant dans un trou d'air, me voilà précipitée à toute allure vers l'océan, sombre sous la lune. Instant merveilleux tant attendu, mon ventre tressaille à cette approche vertigineuse. Embruns salés dans les narines et sur les seins, les rouleaux de la mer défilent et avancent vers moi, gris et verts.
Frôlant les vagues, ivre de sel éclaboussé, mon corps poursuit sa course amoureuse sur la houle, devenant résonance et son, grondant avec elle. Un genou dans la mer, aspergée jusqu'aux cuisses, je résiste à l'appel des profondeurs et m'élève à nouveau, le vent sous les aisselles. Mes yeux s'élancent, ailes déployées de la nuit. Mon coeur bondit aux assauts de la lune. Criant comme la mouette. Et comme le goéland, planant à l'infini !