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31 juillet 2006 1 31 /07 /juillet /2006 14:47

 


Ecriturecreative : faire parler un ou plusieurs objets usuels


Elle se penche à nouveau sur moi. Ombre immense, étrange.
Que disent aujourd'hui les lignes courbes de ses sourcils ? Ces arcs mouvants et sombres auxquels je me raccroche pour communiquer avec ma brune et mystérieuse compagne...

Parfois, je les vois, calmes et tranquilles. Limpides croissants de lune au-dessus des lacs jumeaux de ses yeux... C'est alors qu'entre nous s'amorce un léger contact. Imperceptible mouvement sur la surface glacée de mes grandes pages vierges. Doux et subtil frottement régulier d'un banal crayon de bois, qui semble  la contenter si profondément. La combler.

Plus souvent, ce sont deux gros traits noirs qui occultent la clarté de son regard, et se tordent au point de se rejoindre comiquement vers le haut du nez. Là, je la sais contrariée. Inquiète même. Immobilité, silence, béance aveugle de ces deux points sombres, insondables, un peu plus et je finirais comme elle - moi qui n'ai pourtant que peu d'état d'âme - par me sentir mal à l'aise. Nu, trop lisse. Vide, inutile.

Mais j'ai l'habitude. Attendre, flotter dans une sensation de néant, de non-être, cela ne me dérange pas. Pour elle, c'est un sentiment difficile à accepter et à supporter. Ah, si seulement je pouvais lui insuffler un peu de ma patience, de ma sagesse, de mon détachement !

Je sais fort bien, hélas, qu'après m'avoir rempli jusqu'à la lie de ses laborieux graffitis, elle s'empressera de me ranger consciencieusement, comme une "relique", auprès de mes nombreux prédécesseurs qu'elle collectionne dans ce vieux coffre de famille. Elle nous voudrait éternels, quelle dérision...

Ne dit-on pas pourtant : "
Poussière, tu es poussière et tu retourneras à la poussière..." ? Cette phrase tant et tant de fois recopiée, à laquelle elle n'a visiblement rien compris... Moi, si. Et depuis longtemps. Je n'attends rien des jours. Je n'ai ni avenir, ni passé. C'est pour cela que je me contente de l'instant présent.

De mes origines, que me reste-t-il ? La vague réminiscence d'une forêt ancienne quand je contemple le halo flou et profond qui se balance au-dessus de sa tête ?

Le souvenir - le songe plutôt - d'une brise légère et fugitive qui me transperce, quand elle fait claquer fiévreusement la page enfin terminée dans un froissement volatile et cassant qui m'interpelle de façon si singulière ?

Sérénité, renoncement, je ne suis que vacuité. Paix éternelle qu'elle perçoit - la pauvre - comme sa pire ennemie. Son angoisse existentielle, à travers la blancheur immaculée de mes feuilles...
   




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24 juillet 2006 1 24 /07 /juillet /2006 17:26


 Le soir tombe doucement sur la ferme. Robert déambule à petits pas. La lumière paisible de son sourire éclaire la cour.
 
J’ai voulu voir la traite.
 
- C’est l'bouc ! me lance Thérèse en réponse à mon cri horrifié.
 
- C’est le bouc qui dégage à lui seul cette puanteur ? 

Elle s’arc-boute, approche le seau. C’est vite fait. Les cinq chèvres ne se font pas prier. Moment intense. Délivrance. Complicité. Je n’ose pas entrer dans la chèvrerie. Le soleil couchant dans le dos, j'ai l'impression de voler quelque peu la magie de cet instant.
On se regarde seulement. Leurs yeux éberlués me traversent. Si peu de mots :
 
« Muguette ! Tiens-toi tranquille, allons ! ».
 
Intriguée par ma présence la plus jeune saute partout, experte et silencieuse sur ses petits sabots.  Tout est silence. Thérèse se concentre sur ce qu'elle fait. Les bêtes aussi. La chienne qui se roule par terre en grognant de plaisir, c’est aussi du silence. Celui de la jouissance. Tout n’est que jouissance ici.
 
- Je peux Thérèse, dis, ce soir, dormir dans le foin ?

- Pour sûr, tu peux ! Dam’, si ça t’enchante !… Mais y a pas à di’, y en a que la moitié là-dedans !
 
Et elle désigne sa tête.
 
Peut-être. Possible que quelque chose ne tourne pas rond chez moi, mais j’en ai envie. Il n’y a aucune raison pour que je ne sois pas capable de supporter ce que Thérèse endure tous les jours. Qu'elle ne sent même plus d’ailleurs.  Cette odeur me fascine. M’hallucine. Le bouc, les chèvres, la paille maculée. Et ce curieux relent de fromage…
 
Appréhension, moqueries, j’ai tout vaincu. Me voici fin prête et équipée pour ma première nuit de bergère. Mon mari a réussi à m'installer quelque chose d’à peu près sec et propre, et me quitte à regret. Thérèse persifle :
 
« A tout à l’heure ! Tu vas reveni’, moi, j’te l’dis ! »
 
La chienne est restée avec moi. J’enfonce mes doigts anxieux dans la profondeur de ses poils tandis que mon corps entame la danse du ventre qui consiste à chercher les creux et bosses nécessaires à son petit confort. J’écoute. C’est un silence fait de mille petits bruits. Mais aucun bêlement. Ces bêtes-là ne communiquent-elles pas? Seulement une présence, un souffle continu fait de petits halètements, de sursauts, de frottements…
 
L’odeur épouvantable s’est en partie atténuée mais quelque chose d'autre m’envahit, prenant peu à peu toute la place. Relents douceâtres, légèrement écœurants.
Le lait ! Je ne sens plus que lui. C'est comme si on m’y avait plongée toute entière !
 
Je pense à la plus maigre des chèvres, traînant entre ses pattes trop fines cet énorme ballon impressionnant aux veines saillantes... Je revois les doigts de Thérèse, humides, quelques bulles qui giclent...
 
Soudain, sous mes paupières, c'est un défilé de mamelles qui passe et repasse devant mes yeux. Je m'abandonne à ce vertige intime. Ma pensée se fait bouche avide, happant, saisissant goulûment ces longues et élastiques tétines. Je deviens cabri, chevreau, agneau sauvage. Je tète ! Une faim inextinguible s'empare de moi tandis qu'un lait presque brûlant coule dans ma gorge. Je ne suis plus que douceur de poils, profonde chaleur, senteurs puissantes et rassurantes.
 
Pressée contre la chienne, nous ne formons qu'un seul corps. Sa douce odeur se mêle à celle du foin, entêtante et délicieuse. Lui offrant toute la tendresse que je viens de puiser dans cette communion avec les chèvres, je traverse la nuit les yeux grands ouverts, ivre d'odeurs et de béatitude.





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24 juillet 2006 1 24 /07 /juillet /2006 15:09
 


Nous sommes entrés, un peu timidement. Tout était tellement magnifique. On a commencé à fureter, d’une vitrine à l’autre…
 
- c’est pour quoi, Messieurs-dame ?
- un cadeau pour ma femme,
- bien sûr ! une occasion particulière… ?
- heu….non,
- je vous laisse regarder !
 
Merci, c’est gentil ! Déjà qu’on n’est pas trop décidé… Lui, pense à un pendentif, une pierre toute simple au bout d’une chaîne. Moi, je suis toujours attirée par les bagues. Pourtant il a raison, je ne les supporte pas… mais je rêve d’une aigue-marine. Ce bleu clair… ! Cela me fait tellement envie quand j’en vois aux doigts des autres femmes !
 
La revoilà.
- voulez-vous que je vous aide ?
- oui, c’est pour un pendentif.
- bien sûr, si vous voulez bien vous asseoir !
 
Que lui arrive-t-il ? Lui, d'habitude incapable de prendre la moindre initiative…
 
- avez-vous une idée de la couleur ?
- heu…
- un rubis !
- un rubis ?
- on peut toujours voir…
- parfait ! je vous apporte ce que j’ai !
 
- pourquoi rouge ?
- comme ça… peut-être pour aller avec tes cheveux…
 
Elle revient avec une petite boite. Il n’y en a pas beaucoup, une dizaine. Aucune pierre n’est semblable.
Elle en saisit une entre ses doigts couverts de bagues, et commence à la faire rouler délicatement sur la feutrine bleu foncé de la table. Elle nous invite à admirer ses reflets… 
- elle est jolie celle-ci… je trouve que son rouge est profond, regarde.
- tu trouves ?
 
C’est une pierre minuscule. Elle renvoie des éclats d’un rouge sombre.
- un peu marron, non ?
 
Sourires entendus de la vendeuse et de mon mari… Qu’est-ce que j’ai encore dit !
- il a raison Madame, celle-ci est très belle !
 
S’ils s’y mettent tous les deux… Sa décision semble déjà prise de toute façon. Je ne le reconnais pas, il frime ou quoi ?
 
Je regarde la petite pierre, en forme de goutte, solitaire sur la table. Elle semble attendre le verdict, hésitant d’une facette à l’autre… Je n’y connais rien, moi ; et puis on y voit mal ici… 
- si vous dites tous les deux qu’elle est d’un rouge spécial, original…
 
Silence. Il s’impatiente ou quoi ?

- bon, et bien... c’est d’accord...
- parfait ! venez par ici pour choisir votre chaîne !
 
Il a les yeux qui brillent.
- tu as bien fait ! c’était la plus jolie….
 
La plus petite aussi. Enfin…
 
A la maison, je m’abîme dans la contemplation de ma pierre rouge-marron. Vous savez ? Le sang, quand il commence à coaguler…
 
Un rouge profond, dit-il. Couleur de l'amour...




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20 juin 2006 2 20 /06 /juin /2006 12:51
         


      
C’est l’été. Quand tout le monde dort encore, je quitte la grande tente du camp d’ados où je passe mes vacances, et me dirige vers le bâtiment qui fait office de salle de bains.
     
Mon plaisir est de poster mon petit visage triangulaire bien bronzé devant la glace où se reflètent la lumière du soleil levant et le paysage tout autour. J’ai quatorze ans, la nature s’éveille pour moi seule. Ces parfums enivrants de l’aube sont pour "mes" narines, "mes" poumons. C’est tout mon être qui se gorge de ces essences inconnues et pourtant si familières, si intimes…
    
Minuscule, écrasée par ce magnifique et grandiose massif du Vercors, ma tête, pourtant, touche le ciel. Un espace s'ouvre en moi, sans limite. Quel sentiment de connivence et de puissance ! J’inspire au fond de moi la montagne, je possède le monde. Mon cœur se gonfle de ferveur et de reconnaissance. Je ne sais plus si je suis une plante, un animal, et si je ne vais pas me rouler dans l’herbe comme un cabri pour communier encore plus pleinement avec ces effluves de fleurs et de rosée. Cela doit être tellement formidable d'y plonger le visage, de s’en humecter et de s’en repaître !
     
Si l'on me voyait !... Je me suis jetée le long d’une petite pente, et je roule, roule… Jusqu'aux larmes. Trop de bonheur. Je crois que mes poumons ne seront jamais assez grands pour contenir cette beauté, cette pureté ! Tous ces parfums, cette nostalgie… Pourquoi ? Où les ai-je donc déjà connus et sentis ? Cela remue tant de choses en moi. J'ai l'impression d'aimer, d'aimer si fort.
     
Je pense déjà au retour à Paris. Arrachement de plus. Dans l'autre sens cette fois, moi qui pleure comme un bébé à chaque départ en vacances. Non, maintenant, je ne veux pas repartir. Je me sens tellement libre et heureuse dans ce camp de vacances ! Je ne crains rien de cette nouvelle journée qui s’annonce identique aux autres : balade en chantant, pique-nique au feu de camp. Ça tombe bien, j’adore chanter et marcher sur les belles routes de montagne entourées de sapins, parsemées de fleurs, luisantes de soleil !
     
Quand j’ai suffisamment rempli mon âme d’air et de force, je retourne me glisser dans la douceur de mon duvet et retrouve la tiède odeur des filles de ma tente. Un gargouillis dans mon jeune estomac. Je pense déjà, avec délice, à l'odeur du café-chicorée – où l’inverse ? - qu'on nous servira tout à l'heure au réfectoire.
Personne ne saura rien de mon escapade ni du bol d’air au frais parfum de vie que je me suis octroyés dans la solitude du matin.
     
J’inspire calmement les doux mélanges qui me parviennent encore du dehors, tandis qu’un flux de bien-être coule à travers mes membres et dans tout mon corps.
       
Celui d’une rivière infinie.





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26 avril 2006 3 26 /04 /avril /2006 14:28

J’ouvre la porte fenêtre coté jardin. Il a encore plu. Tous rayés de jaune, il y en a partout. Ceux-là doivent être de la même famille. Très jolis d’ailleurs. Une petite tribu d'escargots !

Très tôt le matin, cela sent presque la campagne dans notre chère banlieue parisienne.
Mais comment définir cette odeur de pluie ? Celle qui me fait m'exclamer encore aujourd’hui, bien naïvement :

- "  Ça sent les escargots ! "…
 
Sûrement une plante dont je ne connais pas le nom, mais dont j’ai associé l’odeur à celle de la pluie. Et par conséquent à celle des escargots, puisque petites on nous envoyait systématiquement à la "chasse" aux escargots chaque fois qu’il pleuvait. (tu parles d'une chasse). D’ailleurs, je crois qu’on dit "cueillette ". De toutes façons, je ne crois pas que ces petites bêtes exhalent une odeur particulière, suffisamment puissante pour titiller nos infirmes petites narines de pauvres humains....
 
Ballade qui nous enchantait d’ailleurs, grâce aux odeurs justement.  Moins la pleine assiettée de ces petits corps en vinaigrette qu’on nous servait quelques jours plus tard ! 
Je crois qu'il s'agit de cette plante frisée, un peu rousse qu’on voit partout.  Il faut croire que "Mademoiselle" ne révèle ses arômes que sous la pluie... Mais après tout pourquoi pas ? Tout le monde ne peut pas être une rose.

Comme les chats, on peut dire que je n’aime pas l’eau, et pourtant j’adore cette odeur de pluie et de terre mouillée. Ce parfum de renouveau, de vie intensifiée. D’ailleurs, il faut bien qu'il y ait dans l'air quelque chose d’exceptionnel et d’irrésistible pour que ces fragiles et sans défenses petites bêtes rampantes bravent tous les dangers pour mettre le nez dehors !
 
C'est une légèreté. Légèreté de l’élément liquide. Cette eau dans laquelle, une fois qu’on y est, même un gros chat comme moi ne veut plus ressortir tellement il se sent soudainement dans " son "  élément ! 
C’est quelque chose qui a à voir avec l’enfance : " l’humidité " de l'enfance, peut-on dire cela ?...
 
L'humilité de l'enfance.
 
Humilité des escargots, ces bébés de la terre suçant encore leur mère ; humilité de ces plantes toutes simples, exhalant soudain leur parfum secret. Seulement sous la pluie...

On a lavé la nuit cette nuit. C'est son bien-être qui " chante " dans l’air ce matin. Chante, ou danse, c'est comme on veut. C’est comme on sent.
 
Pourquoi en arrive-t-on à déprimer par temps de pluie alors que la vie clapote à plein au milieu de ces gouttes, et que des milliers de clochettes de vie, invisibles et silencieuses, tintent de partout ? C'est parce qu'on oublie de respirer, d'inspirer, de sentir tous les parfums du temps. C'est parce qu'on est trop dans le visuel, dans l'auditif. (Encore que le gris, c'est joli, et le bruit de la pluie, divin…).
 
Les escargots sortent, l'air léger chante et danse, je retrouve mon enfance. Sans doute les elfes de l’air, ces enfants qui se font artistes, à travers les gouttes…






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28 février 2006 2 28 /02 /février /2006 09:16

C’est un bourdon qui vous éveille.
Est-ce votre oreille musicale qui vous le dit ? Ce bruit de voix-là,  il vous intrigue... Alors vous vous levez, et vous les franchissez, une à une. Toutes ces portes. 
Portes en enfilade, ouvertes, entrouvertes, ou mal fermées, l’histoire ne le dit pas...
  
Ce bourdon vous le détestez.
C’est comme un ronron qui se complait de lui-même. On marmonne en catimini ? On vous exclue ?
  
On vous exclue, vous, petit enfant.
 
Alors vous avancez.
Quelque chose vous dit... une couleur, une gravité, quelque chose vous dit... mais c’est trop tard ! Les mots ont roulé très vite au rythme de vos pas. Mots d’adultes non encore vraiment appris, mais... trop bien compris.

Et c’est comme un grand Drap.
Un drap qu’on vous jette, comme ça d’un coup, et qui vous habille pour la vie. Qui devient « vous ». Vous pour toujours.
Grandissant avec vous.
  
Quand vous retournez à votre chambre, vous êtes sale.
C’est comme une maladie. Une maladie contagieuse qu’on attrape, comme ça. Sans doute par les mains, se dit le petit enfant que vous êtes...

Qu’on attrape comme ça,
en poussant à peine - à penne - les portes.




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28 février 2006 2 28 /02 /février /2006 09:10
    Vers 22 heures, la température est suffisamment fraîche pour pouvoir dormir au grenier. On grimpe à l’échelle de meunier, et on se glisse dans le petit lit en bois de pin, trop étroit, sorte de lit d’enfant, à moins que ce ne soit l’ancienne moitié d’un canapé, bricolée.
Par la lucarne grande ouverte, tous les sons de la nature nous parviennent. Bruits familiers d’animaux, pourtant  inconnus.   Comment est-il, par exemple, ce crapaud, dit : « crapaud accoucheur » ? Ce merveilleux flûtiste à une seule note, mais, quelle note ! : tut, tut, tut ... suivie de silences plus ou moins longs ; suffisamment espacés, comme pour nous laisser le temps d’en recueillir toute la beauté. On dirait des petits trous, comme des bouts de nuit dans la nuit ; des petites touches, des sourires, clignotis et petits déglutisssements de la nuit.
Déglutisssements de bien-être. Et le calme s’installe ; la paix du soir dans nos cœurs. Oui, comment est-il ce mystérieux crapaud, apparemment solitaire ? Jamais je ne pourrai le remercier.
Certains oiseaux chantent aussi dans la nuit, comme en plein jour. Je crois bien qu’ils ne dorment pas.
Ô nuit douce et vraie ! Je voudrais dormir dehors, comme on dit, cette expression si jolie : « dormir à la belle étoile». Oui, on dirait que tous ces frottements, toussotements, frôlements, halètements, viennent des étoiles. Ce sont les bêtes, les bêtes de la nuit qui ne font qu’un avec les étoiles.
  
    Je n’ai fait qu’un avec la nuit tout l’été. Tous ces petits bruits m’ont lavé le cerveau.
   
    Même quand la température s’est peu à peu rafraîchie, j’ai tenue dans le grenier jusque fin Septembre. L’humidité, je l’ai apprivoisée, bien au chaud dans mon duvet. Mon esprit et mon corps ont accepté la pluie et la fraîcheur. Et je n’ai pas eu peur du vent non plus, bien au contraire. Je l’écoutais venir, débouler de loin ; je l’attendais. Je l’attendais comme un ami ; comme un amant. Et j’accompagnais sa force, jusqu’au bout. C’était bon aussi. Aussi beau que le silence plein de trous de l'été. Beau comme l’autre face d’une même manne. 
   
    Je n’ai fait qu’un aussi avec l’humide. Avec les éléments.
   
    Et l’hiver m’a surprise. L’hiver gracile et dépouillé.
 
L’hiver des grives gelées et des carreaux givrés. L’hiver des bouillottes sur les pieds et des matins glacés. L’hiver au silence cotonneux, aux pas feutrés et au canevas de l’an dernier. Au silence des nuits trop longues, et des rêves plus lourds.
Les premiers bocaux de prunes qu’on entame. Le café toute la journée sur le coin de la cuisinière, et les amis qui passent, pour passer le temps.
  
   Rien à faire. 
 

    La terre, qui semble dormir, en vérité travaille en secret, dans les profondeurs.  Pour nous, la terre se prépare, pour construire le lit des étés futurs, bien au chaud, sous la froidure.






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28 février 2006 2 28 /02 /février /2006 09:03
- Angèle ? Vous êtes là ? demande-t-on.
 
Et c’est là qu’on l’a trouvée, calme et désolée, assise sur une chaise.
 
- Qu’est-ce qui vous est arrivé, Mam’selle Angèle ?! C’est encore votre genou ?
 
La voisine s’est empressée d’aérer : mon Dieu ! pensa-t-elle.
 
- Enfin, voyons Mam’selle Angèle, ça fait trois jours qu’on ne vous a pas vue sortir...! On a fini par se dire... Pourquoi n’avez-vous pas téléphoné ?
 
Un humble sourire désignait le téléphone : « un peu trop loin... » ironisait-il.
 
Mon Dieu, mon Dieu ! soupirait Madame Martine. En effet, ce qui l’attendait n’était pas très réjouissant.
 
- Et ça, c’est quoi ? Des mots, des mots écrits ! (Que ça à f........! pestait tout bas Mme Martine).
 
- Ah, ça, écrire : évidemment, vous avez pu le faire ! Et crier, nous appeler, vous ne le pouviez pas ?!
 
Pas de réponse.
Hum... Mme martine se sentait bien embarrassée... Mais trêve d’introspection ! L’heure était grave : par où commencer !?
 
 - Alors comme ça, vous n’avez rien mangé ! Rien avalé depuis trois jours ! Et dormi sur une chaise, comme un chien ! A votre âge !
 
Et voilà, se disait Angèle, elle est encore en train de m’engueuler.
 
Mais ça ne fait rien : elle se sentait si bien !
Si bien d’avoir écrit ! Si bien d’avoir eu cette surabondance de temps. Quel cadeau !...
Le temps de voir à la fenêtre la course du soleil décliner lentement vers le soir ; ces jolis rais de lumière, aux lettres énigmatiques glissant doucement sur l'épaule des murs, au rythme des heures qui passent... De goûter tranquillement le silence, et chaque petit cri.
 
Et le temps de passer doucement - inévitablement - dans le camp de l’enfance....
   
Si bien d’avoir jeûner. D’avoir abandonner toute résistance. Face à la souffrance. Face à l’impuissance
 
Et face à autre chose, mais ça, c’était inavouable sans un fou rire nerveux qu’elle gardait pour elle toute seule, et qu’on voyait flotter et rire dans ses yeux malgré le tragique de la situation. (Mme Martine en perdait complètement son latin).
 
Angèle était habituée, surtout avec sa voisine, à garder beaucoup de choses pour elle. Mais là, elle en était sure, personne ne pourrait la comprendre ; ni l’approuver.
 
- Ma pauvre Angèle, qu’allons-nous faire de vous ? Et votre nièce, elle ne peut pas venir ? Quelques jours... le temps de......
 
Que dire ?
Que dire devant un tel sourire ?
Tout m’est égal semblait dire ce sourire.
Emmenez- moi où vous voudrez ; où ça vous chante. Pourvu qu’il y ait une table, du papier et un crayon.
Et une fenêtre. Oui une fenêtre, pour voir le jour.
Pour voir le jour tomber.





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Je suis

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Je suis

la griffe

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Je suis

le gouffre

qui grandit

chauqe jour

au bout

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Je suis

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J'écris...


publié dans "écriture"


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