Sixième chat-pître
Je donnais mes cours au conservatoire, comme tous les mercredis après midi, quand soudain j'entends des miaulements déchirants venant du parking de l'école. Ceux d'un chaton.
Je demande à l'élève qui vient d'entrer dans la salle s'il a vu quelque chose.
En effet :
- C'est un tout petit chat, des gens ont essayé de l'attraper mais il s'est caché sous une voiture !
- Mais alors, qu'ont-ils fait ?
- Ben, ils sont partis….
- Partis ? Mais tu entends ces hurlements ! C'est plus que je ne puis en supporter. Peux tu me montrer l'endroit exact où cette scène s'est passée ?
Il peut. (Pardon d'avoir quitter mon"poste", mais il s'agissait d'un cas de force majeure.) Nous voilà sur le parking.
Je l'ai vue immédiatement, éclairée par un lampadaire, hurlant sa détresse sous la pluie. Je me suis accroupie par terre en ouvrant les bras dans un total abandon. (où avais- je vu faire cela ?) : " Viens ! N'aie pas peur, viens ! "
Sous les yeux ébahis de mon élève, la petite bête s'est précipitée... dans mes bras ! Maigre, humide, elle était pitoyable. Nous sommes rentrés en courant dans l'école : "Vite ! Quelqu'un aurait-il de la monnaie ? Elle crève de faim !"
(Quand je repense à la dizaine de parents, attendant tranquillement leur enfant, qui s'est précipitée vers moi, totalement "happée" par mon enthousiasme communicatif…)
Nous lui avons acheté des madeleines au distributeur, et donné à manger immédiatement dans la main ; elle n'était pas du tout effrayée et ne savait plus où donner de la dent tellement elle avait faim.
J'ai donné mes cours jusqu'au soir, une chatte sur les épaules ! Elle s'est faite câliner par chacun de mes élèves, sans complexe, et nous l'avons baptisée, d'un commun accord : "Musique" !
Il ne m'est même pas venu à l'idée de m'inquiéter au sujet de son avenir au sein de notre famille de chattes noires, ni de la réaction de Bernard, car pour rien au monde je n'aurais pu laisser Musique, seule sous son lampadaire ! J'étais confiante.
Je n'avais pas de panier à chat avec moi, mais ce qui est pire, pas de voiture à l'époque. J'ai donc supplié un de mes collègues de nous ramener à la maison. Asthmatique et allergique aux poils de chat, il a quand même accepté, tout en bougonnant sa fameuse phrase : "... Tu m'emmerdes Dominique, tu m'emmerdes… Mais oui, je vous ramène !"
La chatte dans les bras, je sonne à la porte et ne laisse pas Bernard en placer une : "Vite, elle est mouran-ante ! (pardon Bernard). Je l'ai trouvée, vite, donne moi la clé du studio !!".
Malgré sa petite taille, "Musique" n'avait pas peur de nos chattes, c'était une dominante. Et, évidemment, nos deux chipies étaient folles de jalousie.
Heureusement, le destin de Musique était tout tracé ; il n'a fallu qu'une semaine pour lui trouver un foyer. Ayant appris que nous avions un chat tigré à donner, toute une famille de nos connaissances s'est déplacée (pour la voir, seulement pour la voir avais-je compris) et l'ont emmenée… sur le champ ! " C'est la réincarnation de notre chat !" disaient-ils. J'étais dépitée ! On me l'enlevait bien trop vite, mais personne ne s'en est aperçu…
Elle a été rebaptisée "Ficelle", car c'est une chatte absolument malingre et qui était plus âgée qu'elle n'y paraissait.
D'où venait-elle ? Encore un mystère non élucidé. En attendant, elle fait la loi à deux chats et deux chiens !