« Le doute et le poète »
Tous ces mots à la pelle ! Autant de feuilles mortes
Qui meurent sur le seuil, ou font un bon terreau…
Lorsque je prends la plume, avec certaine angoisse,
Parfois je me demande : « As-tu vraiment, ce soir,
Un refrain dans le coeur ? Un beau rêve, un espoir,
Ce sentiment diffus d’avoir, en quelques sortes,
Un amour merveilleux à partager en vers ?...
Ou des regrets, des pleurs, des peines, des travers
Que tu voudrais crier par des millions de portes… ».
Tous ces mots à la pelle ! Autant de feuilles mortes
Qui meurent sur le seuil, ou font un bon terreau…
N’est pas au rendez-vous, toujours, la même grâce ;
Mais chaque matin monte ainsi qu’un encensoir,
Ce désir lancinant, comme un secret devoir
Qui me lie à mon âme, en tirant vers le haut
Tout ce qui l’interroge, ou l’afflige ou la blesse,
Et que cet Art subtil transforme en allégresse
Dans une ode, un sonnet, schaltienne ou rondeau…
Tous ces mots à la pelle ! Autant de feuilles mortes
Qui meurent sur le seuil, ou font un bon terreau…
Pour certains, sans valeur, deux jolis vers qu’embrasse
Une rime chanteuse éclairant en miroir
L’autre qui se blottit dans un petit couloir,
Ont pour moi plus d‘attraits que toutes les escortes
Accompagnant un roi dans son divin palais !
J’ai tant aimé chanter les ballades et lais...
Prosodie a sur moi fait merveilles plus fortes !
Tous ces mots à la pelle ! Autant de feuilles mortes
Qui meurent sur le seuil, ou font un bon terreau…
Alors, bien humblement, de peur que je ne lasse,
Je travaille en silence à n'ouvrir mon boudoir
Q'aux appels de ma Muse et de son bon vouloir.
Sur le sable, Jésus avait gravé son sceau...
Moi, folle poétesse, oserais-je en partage
Inscrire au parchemin ce pâle verbiage
Que je n’emporterai pas même en mon tombeau ?!
Tous ces mots à la pelle ! Autant de feuilles mortes
Qui meurent sur le seuil, ou font un bon terreau…
domi - octobre - 2010