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14 septembre 2006 4 14 /09 /septembre /2006 10:37
 

Atelier d'écriture " les poudreurs d'escampette" : un moment tant attendu, qui ne se passe pas comme prévu...


Une histoire "vraie"... qu'on m'a racontée, c'est pourquoi je l'ai mise dans "témoignages".



      Quatre ans ! Quatre longues années qu'Eloïse, séparée de son   fiancé   par la guerre, attend son retour. Jours, semaines, mois entiers à serrer les poings la nuit sous les draps ; à refouler ses larmes du matin au soir. Prisonnière d'un père et d'une mère enfermés eux-mêmes dans les habitudes d'une petite bourgeoisie bordelaise... famille dans laquelle on ne pleure pas ; on n'élève pas le ton ; on ne parle pas de soi.
 
Du plus loin qu'elle s'en souvienne, le visage de son père, mangé par une énorme moustache, ne lui a montré que la bonté quasi muette de deux petits yeux clairs, brillant d'une flamme discrète, aujourd'hui encore indéchiffrable pour Eloïse… Quant à sa mère, gardienne stricte d'une dignité dont elle-même a oublié le sens, elle l'a élevée à la dure, réprimant bien des désirs et des rêves chez son unique enfant.
 
Dans cet univers étriqué, le cœur d'Eloïse ne bat, n'espère que "pour" et "par" ce René qui arrive aujourd'hui ! Jeune homme "qu'elle n'aimait pas au début"... qui sut plaire à ses parents bien avant de la charmer à son tour.
"Un bon parti !", répétaient-ils…
Quelques mois de cour assidue, des visites répétées à la maison ont eu raison de la jeune "fille à marier". Et du jour où elle décida de l'aimer, de se donner à cet homme "aux mains trop fines, aux lèvres trop minces"... elle le fit totalement ; lui offrant, en plus de sa dote, son âme toute entière.
 
Elle attend éperdument cet instant, tout en redoutant le changement inévitable qu'elle imagine chez ce jeune homme confronté aux horreurs d'une guerre épouvantable. Elle se sent prête à tous les sacrifices, toutes les patiences, sauf de  l'attendre – lui –  un jour, voire, quelques heures de plus !

Ses souffrances – sa mère le lui a bien fait comprendre – ne sont rien comparées à celles qu'a dû endurer son pauvre fiancé... Pourtant, elle ne saurait décrire l'intensité de son propre calvaire. Pour elle, le retour de René représente bien plus que de simples retrouvailles ; il s'agit d'une véritable délivrance ! Ils se marieront, elle échappera enfin au joug de ses parents.
 
 
      L'heure de la visite tant attendue est arrivée. Eloïse contemple l'habituel et pathétique tableau composé de son père debout devant la cheminée, sa mère assise dans son éternel et rigide fauteuil couleur bordeaux ; elle-même se voit, les mains posées sur le dossier de ce fauteuil, debout derrière sa mère, comme il se doit...
Mais pour une fois, la jeune amoureuse apprécie ce rituel ; elle pourra ainsi enfoncer ses ongles dans le velours rouge pour s'empêcher de crier, de hurler sa joie, son impatience !
 
Enfin, René est là. Au milieu d'eux. Il s'avance d'abord vers sa mère, esquissant un léger baisemain tout en levant rapidement les yeux vers sa promise.
Comme il a changé ! Elle s'attendait, bien sûr, à un homme métamorphosé – blessé, vulnérable – pas à ce regard tourmenté, étroit, fuyant…
 
Un contact presque odieux la fait soudain sursauter ! Sa mère vient de croiser la main par dessus son épaule pour la poser sur la sienne. Geste depuis si longtemps inexistant entre les deux femmes,que la jeune fiancée en ressent une sorte de frisson glacé… le poids d'un funeste pressentiment, aussi palpable que l'atmosphère pesante qui envahit peu à peu la pièce.
Instinctivement, comme une bête apeurée, elle cherche le regard de son père ; les yeux de ce dernier se sont assombris eux aussi.
 
 
     C'est alors qu'une douleur fulgurante transperce le haut de son crâne, laissant son esprit s'échapper, s'élever à toute allure jusqu'au plafond d'où elle devient, l'espace d'une seconde, spectatrice d'une scène surréaliste.
A peine un tressaillement qui ne lui a pas laissé le loisir de défaillir, juste le temps de desserrer l'étreinte de ses doigts sur le fauteuil... elle a déjà réintégré son corps, immobile auprès de sa mère.
 
Rien dans l'attitude de la jeune fille ne laisse entrevoir ce qui vient de se passer en elle, tandis que l'homme dont elle a rêvé pendant plus de quatre ans vient de s'adresser à son père en ces termes :
 

"Pardonnez-moi, Monsieur, je vous demande humblement la permission de me dédire de mon engagement. Je me vois contraint de renoncer à la main de votre fille ; j'en suis désolé, soyez-en certain, mais mon cœur, hélas, est pris ailleurs… une amie d'enfance… son frère dans mon régiment, mort à la guerre…vous me comprenez, j'espère…?".


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commentaires

S
Un texte émouvant! Les sentiments de la jeune fille sont bien décrits, particulièrement ce passage où elle se désintègre de son corps!<br /> L'intervention du prétendant sonne le glas! Mais son regard en avait déjà beaucoup trop dit!<br /> J'imagine que ce genre d'histoire ne fut pas rare et ce n'est pas étonnant: Comment resté attaché à quelqu'un que l'on reste des années sans voir? <br />  
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