Ma chère fille,
Je ne connais rien de toi, sinon que tu es une fille... Une fille ! Sais-tu ce que cela représente pour un Italien ?
Je m'en vais le cœur lourd, car je sais que je ne te verrai pas grandir, et que je n'aurai sans doute jamais de nouvelles de toi.
Que t'offrir, que te souhaiter ? Un amour muet, impossible ? Non, ce serait trop triste ! Alors je t'offre ma force, mon amour de la vie, de la nature. Ma foi, ma musique - seras-tu musicienne, toi aussi ? Peut-être...
Quand tu regarderas le ciel, vers le Sud, je serai là. Dans les pierres de ta maison, je te protégerai ; dans les flammes de l'âtre, je te réchaufferai… Je te guiderai quand tu seras perdue, abandonnée ; il est impossible que mon amour ne t'accompagne pas partout où tu iras, je suis ton père ! Je t'aime… je suis en toi. J'existe, il te suffira de penser à moi...
Tu te poseras bien des questions auxquelles je ne pourrai pas répondre… Alors, encore une fois, regarde le ciel ! Le ciel d'été, quand des milliers de bulles fourmillent dans les yeux sous l'immense voûte violette, et qu'il s'éclaircit doucement vers le sud, pâlissant, blêmissant… couleur de mon amour, de mon cœur, tendre et pur pour toi.
Alors je te fais cette promesse solennelle : je te promets de penser à toi chaque fois que je regarderai le ciel, le ciel de mon pays, le vert laiteux du ciel de Sicile !
Nous verrons-nous un jour ? Peut-être dans l'au-delà ? Je t'ai donné la vie, ce n'est pas rien, Dieu ne nous séparera pas éternellement. J'y crois, moi.
Je ne sais pas si tu liras seulement cette lettre…
Ton père.