O, mon Berry...
Ce « pays-fort » a transformé ma vie
En un moment où plus rien n’était beau...
J’aimais le vent, soufflant de la prairie
Qui s’engouffrait, traversant le hameau,
Dans les maisons et dans les cheminées :
Comme il chantait et rythmait les journées !
Par tous les temps, il tissait le destin
Des villageois scrutant dès le matin
Sa brise tiède, ou sa sainte colère…
Moi, comme l’herbe accrochée au chemin,
Du Haut-Berry, j’ai fait mienne la terre !
Une maison de pierres comme amie,
Dont l’âme vibre et se tient bien au chaud
Près du foyer où son ombre est blottie,
Et dont la voix n‘a pas besoin de mot
Pour susurrer ces choses surannées
Dans le silence où je les ai glanées :
L’eau d’un vieux puits, le babil cristallin
D’une bassine et d’un pichet d’étain,
Un chaudron noir avec sa crémaillère :
Un « héritage » en baume à mon chagrin…
Du Haut-Berry, j’ai fait mienne la terre !
Le doux parfum de la pièce endormie
Se réchauffant au tout premier fagot
Tandis que l’aube, à la vitre pâlie,
Baignait les champs de l’étrange halo
De cette brume aux tenaces traînées
Accompagnant les longues matinées
Et s’incrustant comme un rêve lointain…
Et ce fourneau qui résistait, mutin,
Moi, les bravant, sa flamme et son mystère,
Pour préparer le bon café, le pain…
Du Haut-Berry, j’ai fait mienne la terre !
Le cri perçant des buses m’a ravie !
De la montagne il me semblait l’écho,
Mon cœur d’enfant revoyant la féerie
De mon Vercors où, dévalant de haut,
Ma sœur et moi roulions, abandonnées
Dans ces odeurs qui nous furent données
D’herbes, de fleurs, pour en faire un écrin
De souvenirs, à jamais souverain,
Et qu’en secret je retrouvais, austère,
Dans la campagne où j’acquis ce lopin :
Du Haut-Berry, j’ai fait mienne la terre !
Et l’écriture, hélas inassouvie,
Pour que mes pleurs jaillissent du tombeau
Où les avait enfermés la folie
D’une traîtrise, à jamais, mon fardeau...
Besoin de dire en rimes égrenées
Tous ces Hasards qui nous ont amenées
Mon âme et moi vers ce tendre jardin
Donnant au sud sur un ciel argentin
Qui, sans raison, me parlait de mon père,
De son pays aux mirages sans fin…
Du Haut-Berry, j’ai fait mienne la terre !
Je perds l’espoir de tenir en ma main
Le témoignage en un beau parchemin
Pour te louer, ô ma contrée amère…
Mais pour toujours je te garde en mon sein !
Du Haut-Berry, j’ai fait mienne la terre !
domi - juillet 2012